L’iode, le crétin et les Alpes

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Le crétinisme provoqué par la carence d’iode a aussi longtemps terni la réputation de la population alpine. Déçu des résultats du recrutement militaire dans le Département du Simplon – le canton du Valais –, Napoléon ordonne en 1810 un recensement des «crétins». Sur une population de 70 000 personnes, 4000 correspondaient, semble-t-il, au qualificatif. «Il y a aussi eu une polémique autour des bains de Saxon, poursuit Michel Burnier. Au XIXe, le premier propriétaire a voulu faire croire qu’ils étaient naturellement iodés. C’était une supercherie: l’iode était rajouté.»

Mais l’effet de l’oligo-élément est réel. Un médecin de la vallée de Zermatt, qui en fournissait de petites doses à des familles (sans oublier leur boulanger et leur bétail), observe une nette diminution des goitres. En 1922, sur la base de ses recommandations, le chirurgien-chef de l’hôpital d’Herisau convainc le gouvernement d’Appenzell Rhodes-Extérieures de faire un essai généralisé de fortification du sel. Ce vecteur a été choisi parce que la consommation est relativement stable, aussi d’une personne à l’autre. En outre, l’opération est simple: le médecin ajoute lui-même l’iode à la pelle. Dès l’année qui suit, la présence d’une thyroïde palpable, qui affectait 50% des nouveau-nés, disparaît complètement. Depuis novembre 1922, la Confédération emboîte le pas des Appenzellois, et les Salines suisses du Rhin, fournisseur exclusif de 24 des 25 cantons, ajoutent 3,75 milligrammes par kilo d’iode dans le sel.

La Suisse a joué un rôle pionnier. C’est en suivant le modèle helvétique que les Etats-Unis adoptent en 1924 une politique similaire, introduite au fil du temps dans beaucoup de pays. Mais on estime qu’encore aujourd’hui, deux milliards d’êtres humains souffrent de carence en iode. Or même une déficience modérée abaisse, semble-t-il, le QI de 10 à 15 points. L’Organisation mondiale de la santé continue à faire campagne pour l’adjonction d’iode dans le sel et certains Etats ont rendu la mesure obligatoire.

En Suisse, la pratique est toutefois restée volontaire. Elle a d’ailleurs toujours eu des opposants, notamment par crainte des risques de surdose. «C’est à peu près impossible, à moins de prendre certains médicaments, souligne Eva van Beek, porte-parole de l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV). Mais il y a surtout des personnes qui ne veulent pas que l’Etat se mêle de ce que l’on mange.» Steffi Schluechter, diététicienne à la Société suisse de nutrition, abonde: «L’idée est qu’on ne peut pas médicaliser les gens sans leur demander leur avis.» Il faut qu’il y ait toujours une alternative. Selon la spécialiste, c’est une des raisons pour lesquelles, depuis une dizaine d’années, on ne met plus de fluor dans l’eau potable à Bâle.

Le problème ne se pose pas pour l’iode, puisqu’il a toujours été possible d’acheter du sel «nature». En 90 ans, la quantité ajoutée a été augmentée quatre fois, passant de 3,75 à 20 milligrammes par kilo jusqu’à fin 2013. Aucun cas de crétinisme n’a été recensé depuis 1930 et moins de 5% des écoliers présentent actuellement un goitre. Des enquêtes nationales menées en 2004 et en 2009 indiquent toutefois un recul de la concentration urinaire d’iode dans une partie de la population. Chez les femmes en âge de procréer et les nourrissons, les valeurs ont atteint la limite inférieure en 2009.

Les tout-petits traversent d’ail-leurs une période critique lorsqu’ils se mettent à manger «solide». Avant, le lait maternel ou en poudre est censé leur fournir suffisamment d’iode. Mais on recommande désormais de ne pas saler les bouillies. «Elles devraient en revanche contenir régulièrement des aliments riches en iode, comme du poisson [de mer, ndlr] ou des œufs», explique Urs Stalder, de la section Nutrition de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP).

Le recul observé est imputé à une légère baisse de la consommation de sel chez les particuliers, mais surtout au fait que l’industrie a moins recours au sel iodé que par le passé. D’autres pays, comme le Royaume-Uni, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, remarquent une résurgence de la déficience en iode. Afin d’y faire face, la COFA recommande depuis le 1er janvier 2014 de passer de 20 à 25 milligrammes d’iode par kilo de sel. Pour Michel Burnier, qui a mené l’étude Swiss Salt Survey, en 2010 et en 2011, auprès de 1500 personnes réparties dans 11 cantons, c’est une nécessité de santé publique: «Les hommes consomment en moyenne entre 10 et 11 grammes de sel par jour, les femmes 8, simplement parce qu’elles mangent moins. Si seuls 2% des premiers présentent un déficit en iode, c’est le cas de 14% des secondes. Et l’objectif est de faire descendre la consommation journalière de sel à 5-6 grammes.» Son étude ne portait pas sur d’éventuels symptômes de cette carence. «Mais si on pousse plus loin, on va commencer à en voir», souligne-t-il.

La principale source d’iode dans le régime des Suisses est le pain, pour lequel du sel iodé est souvent utilisé, suivi du lait, du fromage et des œufs. Traditionnellement, c’est le sel de cuisine fortifié qui constituait l’apport principal, mais les habitudes alimentaires s’étant modifiées, celui-ci ne représente plus que 11% de tout le sel consommé. Le reste provient de mets préparés industriellement ou dans des restaurants. Et dans ce domaine, les usages sont disparates. Une étude américaine montre que Burger King utilise du sel fortifié, mais pas McDonald’s, Wendy’s ou Taco Bell.

Le prix de l’adjonction, très faible, n’est aux yeux de la COFA pas un obstacle pour l’industrie alimentaire. Il y a potentiellement un manque de conscience du problème. «Mais c’est surtout pour éviter des difficultés à l’exportation qu’elle n’utilise pas de sel iodé», relève Eva van Beek. La réglementation varie en effet d’un pays à l’autre. «La France, par exemple, interdit l’utilisation de ce type de sel dans les mets pré-préparés», illustre la porte­parole. L’OFSP espère réussir à influencer l’industrie et le secteur de l’alimentation afin d’inverser la tendance. Il en va de notre QI et de notre tour de cou.

Déçu du recrutement militaire en Valais, Napoléon ordonne un recensement des «crétins»

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